elle aussi
De mon lit je vois une plante, très verte, très sauvage, échevelée dévergondée désarticulée et articulée savamment élégamment, d'une grande dextérité une grande finesse et une grande vigueur. Elle ressemble à des scorpions, gentils, verts, multiples, avec ses petites queues retournées, ses phalanges successives, ses branches en chapelets. Elle est vigoureuse vivante vive amusante sérieuse, belle, très belle. Je l'avais mise dans un beau pot vert, un pot de terre vernissé ou émaillé il y a un an ou deux lorsqu'elle était encore petite. Elle est sur le sol de marbre devant la cheminée, profuse, élancée. Elle me donne à rêver, elle aussi, à voir et à écrire. C'est l'essentiel, écrire un peu, comme un petit courant d'air qui passe dans tout ce paysage qui m'entoure, ce monde, ces montagnes et ces ciels, ces vents, ces mers, tout ce qui m'entoure où je nage de bonheur parce que j'écris, parce que je pense, parce que je vois, parce que je suis là, au bon moment, au rendez-vous que le monde m'a fixé et où je suis venu puisque j'étais en route vers lui, comme déjà les autres moments se préparent partout et ailleurs, patiemment et sûrement comme fait la plante qui darde ses petites feuilles, cactées, serpentines, crustacées, phalangées, étoilées, silencieusement parlantes, éloquentes, décorantes, vivantes.