feuille blanche

Je suis neuf, je suis petit – j'ai envie de le dire parce que je n'ai pas pu le dire quand c'était le moment. Le premier jour. Je ne pouvais pas le dire, je ne savais pas, j'étais comme englué dans une masse encore obscure, qui collait encore mes yeux et mes membres, mes lèvres et mes poumons. J'ai mis longtemps avant d'éclater au jour – d'engloutir le liquide qui me manquait, pour refaire mon énergie.
Mais ce soir je l'ai dit : je suis neuf, je suis petit. Cette chose est venue se dire – je suis venu me dire au présent – sans l'avoir prévu. Parce que cette envie avait dû rester si longtemps endormie, oubliée. Elle est dite. Je ne l'ai pas dite : elle s'est dite, sans effort, sans intention, sans pensée. Elle me débarrasse de moi, d'une part de mon enfance de nourrisson. D'une toute petite part : six petits mots.
Les mots servent à se débarrasser quand on est vieux. Quand on est jeune ils servent à se nourrir. Autrement dit, ils servent nos besoins. On ne sait pas forcément d'avance quel besoin ils satisfont.

L'écriture c'est une aide à la conscience. Sans elle on a besoin d'un interlocuteur. L'analyste fait l'affaire. Il est une feuille blanche sur laquelle on écrit.

Comments

[mima]

"A quand les prochains mots? "
Une interlocutrice impatiente..

[francesco]

..la page blanche, un univers devant nos yeux à découvrir... à inventer... exactement comme la toile blanche.... A bientot quelcun...

[too banal]

Je suis neuf, je suis petit...et J'ai mis longtemps avant d'éclater au jour! Qui suis-je ?
Bon début de semaine baigné de lumière!

[kelcun]

Merci Mima, un passage admirable de sens et de poésie, celui de Nicomède.
Giani Esposito en a fait une très belle chanson.
(pas de censure, retard involontaire)

[FERBER]

Il suffit d’un rien,
Des mots en crin ou en écrin
Pour que cela vive.
Comme çà
C’est cela !
Avoir toujours dans le rétroviseur
Le surréalisme, merci.