une petite feuille morte

Un soir j’ai trouvé une feuille morte sur ma table. Il ne restait rien de tous les papiers noircis de mots que j’avais écrits depuis des mois ou des semaines. Tout avait disparu, volatilisé, remplacé par la petite feuille. Comme une reine au milieu de la table, baignée d'une douce lumière ocrée.

Je vérifiai que la lucarne était bien restée fermée, comme je vérifiai, pour ainsi dire, dans ma pensée, qu’elle n’était pas venue faire le ménage dans ce grenier où j’écrivais, contre son gré.

C’était une vraie petite feuille d’arbre, de quelle espèce je n’aurais su le dire, mais si réelle et si présente que devant elle – ou plutôt derrière elle – tous ces papiers, cette jungle de mots dans laquelle je me battais encore… le matin même ?… mais quand était-ce ?… venait de disparaître, refluant loin dans les limbes.

Je ne pouvais croire, ni m'empêcher de penser, que j’avais réussi, qu’elle m’avait pris au mot, volé mon travail insensé d’atteindre l’arbre, la feuille vivante de lumière et d’eau sous ma plume, pour advenir, miraculeusement.
Une petite feuille morte !
Elle était belle ! elle savait tout. Mes yeux, mes oreilles écarquillées guettaient son merveilleux message. Mais je n’entendais pas son langage, ou pas encore, ou bien avait-elle tout dit déjà en un instant immense comme une vie.

Comments

[mima]

Oui, sans doute tout se dit au creux de ce SILENCE là?
Et puis à nouveau ....

[FERBER]

Message et mirage, ces veines musicales impromptues écarquillant sans complexes les reflets de nos quotidiens, ce sont un écrin de cadeaux.

[too banal]

car toutes les feuilles blanches que tu as noircies étaient bel et bien des feuilles où coulait la sève et le soleil...
Bon week end!