chantier nuit et jour

Des rêves de cette nuit, je ne garde que les images des graines bleues, des graines rouges s'amoncelant, que j'extrayais, faisais couler hors de plantes sèches en les pressant dans mes mains, d'abord les bleues je crois puis les rouges et chaque fois me surprenaient leur couleur, leur taille et leur abondance aussi. Je les laissais s'épandre en tas sur le sol (et maintenant, en recopiant je vois le tas de terre et de cailloux qui monte, déversé par une machine sur le chantier), je les répandais en jonchées sur le sol parmi d'autres graines, des noires. J'essayais ensuite d'initier mon amie, de lui transmettre ce geste, cette trouvaille, pour qu'elle fasse la même expérience, cette même récolte avec moi à son tour, nous n'y parvenions pas vraiment, ne trouvions pas les mêmes plantes en même abondance (j'étais déçu, et maintenant comprends fort bien que nous ne pouvons faire les mêmes récoltes ni les mêmes expériences).
Je m'éveillais avec, tout près, ces images de monticules de graines colorées et pensai que je m'accordais une grasse matinée qui correspondait à mon envie de laisser se clore tranquillement cette période que je venais de vivre, le temps d'une saison, lourde de changements dans mes relations. Je m'aperçus que ces graines pouvaient bien être – représenter – la clôture d'une période, la récolte d'une saison de vie. Ainsi je me dis que ma pensée venait d'utiliser les images du rêve pour se construire, comme les images du rêve avaient sans doute pour se construire elles-mêmes utilisé des choses vues ou des souvenirs ou des pensées enfouies. Je découvrais plus précisément comment s'élabore une pensée, et avec elle le temps lui-même car on ne sait pas au départ quelle sera l'antériorité ou la postériorité des éléments, comme dans un chantier où toutes les pièces détachées de la future construction sont là sans que l'observateur sache si tel ou tel élément ira en haut ou en bas de la construction.
Nous sommes dans notre pensée comme ce spectateur qui passe et repasse et voit le chantier progresser, qui assiste à la construction sans en être le maître d'ouvrage bien que cela se passe en lui et qu'il en soit le bénéficiaire.
La veille au soir, avant de m'endormir, les dernières paroles échangées concernaient les rêves nocturnes et la présence du cahier et du crayon pour les noter au réveil mais je ne croyais pas pouvoir renouer dès ce jour avec cette pratique (la dernière page est du 28/09) difficile. La récolte des graines colorées me revient, comme un bienfait.
Le chantier est continu. Nuit et jour.
A côté de chez moi il y a d'ailleurs un chantier. Je ne me suis pas levé suffisamment tôt l'autre matin et ma voiture a été embarquée par la fourrière.