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sentiers en cours
5 octobre 2008

aimer

Je n'aime plus spécialement les paysages de brume ensoleillés du matin.
Très beau pourtant, celui-ci. Peut-être parce que le train va vers le nord, remonte la vallée du Rhône en direction de Lyon. Mais plus probablement parce que mon amour du paysage a changé. J'observe avec grand intérêt les subtiles couleurs, les variétés de formes, les lignes, les matières si perceptibles de végétaux, de terres, les couleurs du ciel, déjà très bleu côté ouest alors qu'à l'est le soleil éclatant pâlit tout l'espace autour de lui. Les jaunes de l'automne commencent à faire leur apparition sur quelques arbres. De loin les toisons de maïs serrées drues comme des tapis-brosses dans le contre-jour sont d'une élégance extrême. Lorsque le soleil n'est pas présent de face, le ciel apparaît comme aux plus beaux matins d'été tout traversé de larges et pâles traînées blanches laissées par les avions. Les villages tassés contre les collines de conifères, quelques larges flaques où miroite le ciel dans l'eau. Tout cela est ineffable de beauté. Mais je n'aurais plus de paroles d'amour ni de désir, ni d'envie, plus la moindre frustration non plus face à l'indigence de la description. Plus de désir intense de décrire. Plus de désir intense. Et je sais pourquoi, je l'ai su immédiatement dès le premier regard : c'est parce que le parler a fait son œuvre. Le parler ou l'écrire, qui m'a amené jusque là, qui a suffisamment bien percé, traversé le désir qu'il s'est évanoui, qu'il a révélé sa nature illusoire. Le bonheur de voir en est bien sûr tout aussi grand et le travail de l'écriture devient à la fois plus modeste et plus laborieux mais ne perd rien de cette magie qui nous échappe.
Et voici la Saône. Le bleu aujourd'hui l'emporte sur le gris, sa surface frémit de vigueur comme la peau d'un grand animal d'eau. Elle n'est pas le mollusque que j'avais vu il y a huit jours avant que je n'eusse parlé devant elle de mon attachement à certaines rivières du sud, plus vigoureuses – en réalité plus "aimées" –, plutôt qu'à elle.
Mais sous cette confidence, je laissais glisser mon désir dans l'oreille de celle qui allait devenir sa nouvelle dépositrice.

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Commentaires
F
J'écoute.
T
non contenue de photographe!<br /> Il a par certains accents et une qualité d'écriture qui évoque à mes yeux un fameux texte de Renard!<br /> C'est ici :<br /> http://photoeil.canalblog.com/archives/2007/06/24/5404218.html<br /> <br /> Bonne journée et merci pour ce plaisir!
K
à too banal : un visage peut-il remplacer...<br /> un paysage ?
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