le chantier des mots
C'est la parole qui est en chantier. C'est la connaissance qui est en ruines.
Un poème me revient :
Le soleil monte de l'est, il arrive d'un grand voyage. Mais pas moi, qui suis couché comme un toit et les trappes encore béantes sur le fond du monde noir labouré par les remous d'un paquebot. Et déjà le flot retiré, deux paupières ouvertes retournées sur le dos, la terre terrassée de soleil, et nous tous debout, déchirés, comme les morceaux de papier d'une même page.
Il avait dû être écrit l'été. Je ne dirais pas aujourd'hui la terre terrassée de soleil.
Moi qui suis couché comme un toit. Etrangement, il y a comme un écho dans un poème que l'on m'a offert, de très nombreuses années plus tard : Toit.
L'Autre a cédé la place. S'est laissé investir.
Nous tombons nous-mêmes en morceaux disait Rilke (l'exergue à Histoire de Claude Simon) (voir bibliographie)
Histoire elle-même, un chantier de mots sur les ruines de la mémoire.